Décriée par certains, adoptée pourtant par une majorité de parents, la tétine suscite bien des polémiques et des interrogations. Qu’en est-il exactement ?
Dès les premiers pleurs du bébé, on cède à la facilité. La fatigue et le stress font tomber les résolutions. C’est vrai que lorsque le petit se met à la téter, il s’apaise et finit par s’endormir. Mais la tétine est-elle bénéfique pour lui ?
Un objet miracle ?
Les « pro-tétines » diront que, comme l’allaitement ou le pouce, c’est un bon moyen pour réconforter le tout-petit. La succion favorise la sécrétion d’endomorphine, l’hormone du bien-être, et lui procure également une sensation de sécurité. Les premiers mois, le bébé pleure beaucoup, c’est même sa seule façon de communiquer. Les parents, excédés, fatigués par ces pleurs incessants, trouvent d’ailleurs, eux aussi, apaisement et réconfort en donnant une sucette à leur enfant. Cette dernière jouerait en outre un rôle dans la qualité du sommeil : elle faciliterait l’acquisition des rythmes de la vie quotidienne et de l’auto-apaisement. Il est alors plus facile pour le bébé de se rendormir la nuit et d’espacer ses repas nocturnes.
De plus, elle diminuerait le risque de mort subite. Elle constituerait, selon certains travaux (publiés notamment par le British Medical Journal en 2005), un facteur préventif. La meilleure prévention reste cependant le couchage sur le dos, une literie adaptée, une température ambiante autour de 18 °C et une protection contre le tabagisme passif.
Une (fausse) solution de facilité
« La tétine, c’est culturel, constate Nathalie Gelbert, pédiatre et présidente de l’Association française de pédiatrie ambulatoire (Afpa). Beaucoup l’ont dès la maternité. On en trouve même dans certaines des boîtes-cadeaux que l’on donne aux mamans avant l’accouchement. C’est un objet promotionnel ».
On en « colle » une au bébé dès sa naissance, elle fait office de « silencieux ». « Les parents devraient plutôt se demander pourquoi leur enfant pleure, essayer d’analyser les raisons de ses cris, chercher à comprendre ses besoins », conseille la pédiatre. C’est une solution de facilité qu’elle réprouve.
En collectivité aussi, la tétine est trop systématiquement donnée aux tout-petits, dans le but de limiter les cris et les pleurs. Quant à son usage la nuit, le bébé peut pleurer chaque fois qu’il la perd, réveillant ainsi ses parents et les obligeant à se lever. De plus, la sucette, surtout chez les femmes dont c’est le premier enfant, peut compromettre l’allaitement. Il faut plusieurs jours en effet pour mettre en place celui-ci. Plus le nourrisson va téter, plus il va stimuler la lactation. Si, dès ses premiers jours, il suce sa tétine plutôt que le sein de sa mère, la production de lait ne va pas être lancée correctement. « En règle générale, les femmes allaitantes sont plus réticentes vis-à-vis de la tétine », ajoute la pédiatre.
Les dentistes, les orthodontistes et les médecins ORL ne sont pas non plus de grands adeptes de cet objet, qui favoriserait les otites et, à plus long terme, les caries.
Du côté de l’hygiène
La tétine pose aussi des problèmes d’hygiène. Certains parents la mettent dans leur bouche avant de la donner à leur enfant pour la « nettoyer », pensant que leur salive a un pouvoir désinfectant, alors qu’en fait ils y déposent leurs microbes. Une habitude néfaste, voire dangereuse, selon Nathalie Gelbert.
En transmettant leurs bactéries, ils peuvent, certes, améliorer l’immunité du bébé, mais le risque est grand de le mettre en contact avec des virus. Bien qu’une étude suédoise (publiée dans la revue Pediatrics en 2013) montre que les parents coutumiers de cet usage préserveraient leur enfant de maladies allergiques comme l’asthme ou l’eczéma, le docteur Gelbert les met en garde :« Le parent peut être un porteur sain et contaminer son enfant. Dans le cas de l’herpès, par exemple, cela peut être vraiment dangereux. L’herpès peut tuer un nouveau-né ! ».
L’aspect psychologique
Pour certains, la tétine maintient leur enfant dans un statut de bébé. Tant qu’il garde cet objet dans la bouche, il ne grandit pas. Or l’enfant doit être préparé de manière progressive au sevrage, dès l’âge de 5 ou 6 mois. Il faut lui parler, lui expliquer que la tétine doit être réservée à certains moments et l’aider à surmonter une éventuelle frustration.
Si la résistance est très forte et que l’enfant ne veut rien entendre, il ne faut pas hésiter à consulter : la parole du pédiatre a plus de poids, et une seule consultation suffit souvent pour venir à bout du problème. De toute façon, l’entrée à la maternelle sera l’occasion pour en limiter l’usage, voire l’arrêter.