Chercheur à l’Inserm, Michel Le Van Quyen a récemment été frappé d’une paralysie faciale liée au surmenage. Le repos absolu, qui lui a été fortement recommandé, lui permet de réaliser l’importance du silence dans son processus de guérison. Il se met alors en quête d’expliquer les raisons scientifiques de ces bienfaits, qu’il compilera dans son ouvrage Cerveau et silence : les clés de la créativité et de la sérénité. À l’occasion de sa sortie, le scientifique nous livre les résultats de son enquête.
L’idée d’écrire un livre dédié à l’importance du silence sur l’organisme, et notamment sur le cerveau, est née d’une expérience particulière que vous avez vécue. De quelle manière avez-vous découvert les bienfaits de l’absence de bruit sur vous-même ?
Mon quotidien de chercheur à l’Inserm était très intense. Entre l’écriture des articles, les conférences et l’encadrement des étudiants, je me sentais souvent stressé et je ne prenais pas le temps de me reposer. Je me suis réveillé un matin avec la moitié de mon visage figée. Si j’ai d’abord cru à un AVC, il s’agissait en fait d’une paralysie faciale due à l’infection d’un nerf. En plus des traitements pharmacologiques, comme la cortisone, les médecins m’ont prescrit du repos. J’ai donc interrompu toutes mes activités et je me suis retiré à la campagne. Au début, cette inaction m’a pesée, mais le silence dans lequel je me suis retrouvé a finalement été extrêmement bénéfique pour mon rétablissement.
Quels effets le silence a-t-il produit sur vous ?
L’absence des bruits de la ville et le silence de la campagne ont été très bénéfiques pour moi. J’ai senti mon esprit s’apaiser, j’étais beaucoup moins anxieux et j’ai enfin pu remplir la condition nécessaire à ma guérison : me reposer. Mais si le silence acoustique est primordial pour installer une sensation de calme à l’intérieur de soi, il existe d’autres formes de silences. Le silence corporel ou l’immobilité du corps, le silence attentionnel qui permet de laisser flotter son attention et de lâcher prise pour s’abandonner à la rêverie et, enfin, le silence de la méditation, qui mobilise notre attention au présent en faisant taire le bruit de fond des pensées ; tous ces silences ont des vertus particulières sur notre organisme. Après avoir ressenti les bienfaits de ces silences, j’ai décidé d’essayer de comprendre quelles en étaient les explications scientifiques, et j’ai donc mené l’enquête.
Existait-il déjà des recherches sur le sujet ?
Chercheurs et scientifiques sont nombreux à avoir conduit des études et des expérimentations permettant de prouver les bienfaits du silence, et par conséquent les méfaits du bruit. Le silence acoustique, comme celui attentionnel, visuel ou méditatif permet au cerveau de basculer dans un état très particulier. C’est cette déconnexion qui l’aide à se régénérer et à évacuer les toxines.
De quelle manière le bruit affecte-t-il notre cerveau ?
Le bruit est un véritable problème de santé publique, notamment dans les villes. Comme l’oreille ne contient pas de paupière, ce sens est toujours actif, même pendant le sommeil. L’explication provient sans doute du fait qu’il y a des millions d’années, l’ouïe permettait d’être prévenu en cas de danger. Ainsi, lorsque nous sommes soumis au bruit, nous sécrétons des hormones liées au stress et à l’anxiété qui s’avèrent néfastes pour l’organisme. Et en cas de bruit constant, lorsque l’on réside près d’un aéroport ou d’une autoroute par exemple, notre corps est ainsi inondé de ces hormones. Le niveau sonore ambiant est aujourd’hui si élevé qu’il peut perturber le fonctionnement de nos cerveaux. Une étude a montré que les capacités en mémoire et en lecture des élèves ont significativement diminué après la construction de l’aéroport de Munich à proximité de leur école. Les nuisances sonores ont également des répercussions sur les défenses immunitaires et entraînent des décès prématurés, jusqu’à 10 000 par an en Europe, liés notamment à des problèmes cardiovasculaires. L’accumulation des hormones de stress entraîne des dégradations de certaines fonctions cardiovasculaires.
Existe-t-il un antidote aux effets négatifs du bruit ?
Le phénomène de libération des hormones du stress et de l’anxiété est lié à un phénomène du système nerveux appelé « sympathique », qui va accélérer automatiquement les fonctions vitales telles que le rythme cardiaque, la respiration, les fonctions digestives… À l’inverse, le système « parasympathique » va assurer, grâce à l’activation d’autres hormones, un retour à la normale et permettre aux fonctions vitales de récupérer. Il active un ralentissement général des fonctions de l’organisme : du rythme cardiaque et de l’activité respiratoire. Le système parasympathique permet de nous détendre après l’action, de digérer, et même de dormir. Ces deux sous‐réseaux s’activent alternativement, et lorsque l’un d’eux est actif, l’autre ne l’est pas. Il est possible d’activer ce système parasympathique et de déclencher ainsi le cocktail d’hormones nécessaire à la régénération de nos fonctions vitales. Pour ceci il suffit de se plonger dans le silence complet pendant au moins deux minutes. Une respiration calme et profonde activera également le système parasympathique.